Un grand martyr qui a marqué son nom par de hauts faits d’armes et par le grand sens du sacrifice. Il s’agit du colonel Lotfi, de son vrai nom, Benali Boudghène, un responsable militaire à l’Armée de libération national (ALN) dont le mérite et les qualités ne sont pas à démontrer.
Il y a 63 ans que le colonel Lotfi tomba en martyr dans la bataille de Djebel Béchar, le 27 mars 1960. Il a trouvé la mort à l’âge de 26 ans, ce qui fait de lui le plus jeune colonel de la révolution.
Le colonel Lotfi vivait déjà les prémices de l’indépendance du pays en s’impliquant dans les démarches qui s’imposaient dans la perspective de préparer le jeune État qui allait naître pour qu’il puisse assumer ses tâches historiques de la construction nationale et de la mise en oeuvre des institutions à la hauteur des sacrifices inouïs de nos martyrs.
Le colonel Lotfi adhère en octobre 1955 dans les rangs de l’Armée de Libération nationale (ALN). Il était chanceux, puisqu’il a eu comme responsable direct, Larbi Ben M’hidi et celui qui est devenu le chef inénarrable du ministère de l’Armement et des Liaisons générales «MALG», Abdelhafid Boussouf en l’occurrence.
À l’âge de 21 ans, il occupe le poste d’adjoint particulier du commandant Si Djaber. Cette rapidité dans l’évolution au sein du commandement de l’Armée de Libération nationale renseigne sur les grandes facultés dont faisait preuve le colonel Lotfi dès sa jeunesse et les qualités qu’il recelait faisaient de lui un grand responsable et un meneur d’hommes par excellence.
D’ailleurs, une fois que le commandement de l’ALN l’avait chargé à opérer au niveau de Tlemcen et Sebdou, il a très vite commencé à installer les premiers noyaux organiques du Front de Libération nationale (FLN) qui a été fondé une année avant. L’intelligence et le sens de la déduction et de l’anticipation dont se singularise le colonel Lotfi, ont très vite fait de lui un officier supérieur avec un sens très élevé de l’organisation et de discipline. Les cadres de la révolution et les colonels de l’ALN qui ont participé aux travaux du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) tenus à Tripoli, se rappellent de la dernière intervention du colonel Lotfi où il a essayé de faire le lien entre le combat libérateur et l’esquisse relative à la création d’un État de justice sociale et au fonctionnement démocratique. La sobriété et la perspicacité dont faisait preuve le colonel Lotfi lui ont valu un grand respect mais aussi une adhésion de certains idéologues et personnalités et dirigeants de la révolution à ses thèses. Le colonel Lotfi bien qu’il fût un militaire dans un contexte hautement révolutionnaire, il se distinguait par son sens démocratique et d’ouverture d’esprit. Il était l’un des rares colonels qui ont évité de sombrer dans la guerre des clans et la lutte pour le pouvoir avant l’indépendance du pays. Il voyait la crise entre le GPRA et l’EMG venir, ce qui l’a poussé à ne pas se situer dans un clan par rapport à un autre. À ce propos, le colonel Lotfi avait exprimé ses positions et impressions lors des travaux du CNRA en 1960. Ferhat Abbas avait noté l’intervention du colonel Lotfi où il disait «L’atmosphère au sein de la Délégation extérieure, écrit-il, lui faisait peur. Les luttes sourdes des colonels ne lui avaient pas échappé. Il en était épouvanté: j’aime mieux mourir dans le maquis que de vivre avec ces loups.»
Le colonel Lotfi a vécu la révolution dans l’âme, il s’est dévoué pour la cause de la libération du pays, mais il a surtout milité pour que l’Algérien se libère de l’autoritarisme et de l’approche despotique des dirigeants politiques.
Le colonel Lotfi avait le sens de la prémonition quant aux tenants et les aboutissants de la révolution nationale et les premières années de l’indépendance. Lotfi a su être un grand dirigeant militaire et un homme d’État malgré le fait que les institutions de l’État naissant ne fussent pas cristallisées encore.

Source: L’Expression.